Poitiers, capitale de la mobilisation étudiante
Les effectifs de la coordination nationale, rejointe par les IUT et Normale sup, ont doublé en une semaine.
par Marie-Joëlle GROS
QUOTIDIEN : lundi 13 mars 2006
Poitiers envoyée spéciale
Il arrive que les étudiants votent, eux aussi, jusque tard dans la nuit. Mais à la différence des parlementaires, leurs bancs ne sont pas clairsemés au petit jour. Entamée samedi dans la matinée dans un amphi de l'université de Poitiers (Vienne), la quatrième coordination nationale des étudiants mobilisés contre le CPE, véritable marathon de tours de parole et de votes, s'est achevée à 5 heures du matin dimanche. Reflet de l'amplification du mouvement, elle a réuni 268 votants, contre 71 lors de la première coordination, à Rennes le 18 février, et 136 le week-end dernier à Paris.
Les étudiants poitevins, hôtes de ce gros raout, ont comptabilisé une soixantaine de délégations, mêlant cycles courts et filières prestigieuses. Ainsi, les IUT sont entrés dans la danse (à Meaux, Saint-Denis, Tours, Figeac, Lannion, Lorient, Chambéry, Belfort). Tout comme les instituts d'études politiques (IEP) à Rennes, Toulouse, Lille ou Aix-en-Provence. Les délégations de l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et de l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm ont fait sensation. «Notre mobilisation, comme l'occupation de la Sorbonne, sont des signaux forts, a résumé un étudiant de Normale sup. Nous soutenons la grève et les blocages dans les universités. Et nous allons monter des actions avec les lycées Louis-le-Grand et Henri-IV.» En attendant, les Normaliens sont fiers d'avoir réussi à «bloquer» l'ancien ministre Luc Ferry venu donner une conférence dans leur école, vendredi.
Leçon de politique. La tribune avait mis un point d'honneur à se définir «sans étiquette» (Libération de samedi). Elle a parfois eu du mal à dompter une salle traversée de divers courants. «A Poitiers, nos AG ne rassemblent pas 60 personnes mais parfois 4000, on a su construire un mouvement unitaire, ce qui n'est pas le cas partout», rappellent les Poitevins. Les facs parisiennes, «plus cartélisées» selon l'expression d'une Bretonne, se sont fait une joie de donner une leçon de politique aux Poitevins. La tribune avait demandé à son service de sécurité, les nez peinturlurés en rouge, de maintenir les votants à l'écart des observateurs «pour éviter les pressions». Résultat : des envois massifs de SMS d'un bout à l'autre de l'amphi. La presse n'a pas pu assister aux débats, les délégués ayant voté le huis clos.
A Paris en vélo. Toutes les tendances représentées (de l'Unef aux JCR, en passant par SUD Etudiant et la CNT) ont réussi à s'entendre sur un texte commun : abrogation de la loi sur l'égalité des chances (qui comprend le CPE et l'apprentissage à 14 ans), abrogation du CNE et créations de postes aux concours d'enseignants à la hauteur des besoins dans l'Education nationale. Deux rendez-vous ont été arrêtés pour cette semaine, en plus des manifs nationales samedi : des «actions» mardi et des manifestations jeudi avec les lycéens, qui peinent à s'organiser. La coordination a décidé de confier la tête du cortège parisien, jeudi, aux étudiants en éducation physique (Staps) qui craignaient que les anti-CPE ne leur fassent de l'ombre. Dénonçant eux aussi les diminutions de postes aux concours d'enseignants, mais décidés jusque-là à faire bande à part, les Staps ont quitté Bordeaux à vélo la semaine dernière pour rallier Paris jeudi. Enfin, une partie de l'assemblée a souhaité élargir le mouvement de lutte contre le CPE à toutes les formes de précarité. La prochaine coordination nationale, qui doit se tenir dimanche à Dijon (Côte-d'Or), devrait s'en faire l'écho.